dimanche 6 septembre 2009

L’Art de la Guerre au nom de Dieu





Dieu est de retour. Il serait à la mode. En cette période de mois béni de ramadan, IL est tendance et IL l’a toujours était chez certains. De tout temps des voix se sont levées au nom de cette Cause. Des peuples, des souverains et des armées se sont battus au nom de Dieu tandis que d’autres ont choisi une voie plus douce pour négocier toujours au nom Dieu. A partir de ces deux dynamiques : l’argument de la force par la guerre, et la force de l’argument par la négociation, toutes menées sur le chemin de Dieu, des armées ont été déployés, des ressources mobilisées et des stratégies dignes de l’art de la guerre, élaborées afin de triompher dans ces « guerres saintes ». Cette dernière logique de- la négociation - appliquée au cadre commercial, entre sans doute dans l’affrontement économique des temps modernes, accentuée par la mondialisation et l’accélération des échanges et faisant de tout le monde le concurrent de tout le monde . S’engager dans cette guerre économique au nom de Dieu révèle t’elle une nouvelle dimension d’un « Jihad » sur le fondement de préceptes de la tradition des livres saints tels que le Coran - comme l’Eglise catholique, jusqu’à il y a cinq siècles - bannissant l’usure, à laquelle ils préfèrent le partage des profits et des pertes.


Selon cette même Tradition, « les marchands sont les courriers de ce monde et les curateurs fidèles de Dieu sur la terre, ainsi le commerce est une façon privilégiée de gagner sa vie : Si tu tires profit de ce qui est permis, ton action est un jihad, c’est-à-dire est assimilée à la guerre sainte ou à tout effort vigoureux pour la cause de Dieu». Peut-on parler de Jihad économique ?

Partons de cette assertion du père de la modernité, Adam Smith : « Dans toute compétition il ya un gagnant et un perdant et chaque compétiteur doit s’occuper de lui-même ». Si nous défendons la négative, l’on convoquera son comptemporain, John Nash pour qui le père de la modernité est incomplet. «Dans toute competitition, chaque compétiteur doit s’occuper à la fois de lui-même et du groupe afin d’arriver à un équilibre sans prédominance unitaire.

Ce principe d’équilibre ou de commerce gagnant-gagnant est déjà prévu dans les textes sacrés comme la charia. Ainsi ce business gagnant-gagnant, profitable, sécuritaire, équitable et égalitaire aurait des fondements islamiques avec le système économique « halal » prévu par les textes islamique. Et ce business a proliféré ces dernières années avec la crise du capitalisme financier conventionnel.

Capitalisme « halal »

Les activités économiques, la recherche de profit, le commerce et par conséquent la production de biens marchands sont regardés avec autant de faveur par la tradition Coranique. Le Prophète aurait dit : « Le marchand sincère et de confiance sera (au jour du Jugement) parmi les prophètes, les justes et les martyrs ».

Il est nécessaire de comprendre que dans la dynamique globale du capitalisme, le modèle « islamique » ou halal n’est qu’une déclinaison, un segment du marché global avec ses règles de fonctionnement.

De par leur activité, les acteurs économiques « islamiques » offrent de nouvelles perspectives au capitalisme occidental conventionnel. En effet, prenant en compte de nouvelles exigences, le marché « islamique » crée un nouveau marché, de types religieux ou musulman, avec de nouveaux consommateurs : les « croyants-consommateurs » ou les « consommateurs-croyants ».

Un simple retour aux références disponibles sur l’économie islamique, les affaires, le capitalisme financier musulman, les produits et services Halal pour musulmans, offertes sur internet et en offline démontre les enjeux lies à ce business « halal » qui est aujourd’hui en pleine explosion.

Si capitalisme signifie « conquérir les sociétés et les espaces non-marchands afin de les transformer pour pouvoir permettre de créer de nouveaux marchés avec de nouveaux débouchés », le marché « islamique » peut être analysé comme un instrument destiné à étendre la sphère d’influence du capitalisme sur un espace non-marchand : « l’espace de l’Islam, de son imaginaire et de sa spiritualité. »

Pour rappel le capitalisme en accord avec la Tradition coranique a vu le jour en Egypte au début des années 60, avec un système financier basé sur le partage des bénéfices et non sur l’intérêt car l’Islam proscrit la rémunération de l’argent.

Aujourd’hui cette économie « musulmane » s’est considérablement déployée dans les secteurs du business « halal » et des produits financiers « halal » pour faire de ces modèles de véritables concurrents ou leviers de guerre contre les modèles conventionnels qui faisaient la fierté de la veille économie.

Business « halal »

Le monde musulman est un marché énorme et regorge d’un potentiel grandissant et insoupçonné. Le nombre de musulmans (19,2%) dans le monde dépasse désormais celui des catholiques (17,4%), selon l'édition 2008 de l'annuaire pontifical. Ces chiffres sont basés sur des données de 2006 notamment de l'ONU. Sur ce marché plusieurs de produit et services frappés au label « halal »sont dédie aux consommateurs musulman et non musulman- concernés par le tourisme dans les sites religieux.

Ainsi réduire le « halal » à une gamme alimentaire est un raccourci de langage et serait inapproprié. Cette réalité va au delà des produits alimentaires. Halal, ce mot d’origine arabe n’est pas réductible à une définition descriptive. Pour tenter d’en définir les contours, on utilise généralement une formule négative : halal est ce qui n’est pas « haram », c’est-à-dire ce qui en islam n’est pas interdit, impénétrable ou sacré. Halal serait donc équivalent à permis, accessible aussi bien qu’à profane. L’épithète s’applique à toutes les actions humaines (telle ou telle action est halal).

Le business halal organise la production et la circulation des produits et services religieux islamiques selon les rites de la Charia. En France, l’usage du terme halal s’est répandu depuis une trentaine d’années avec l’industrie de la viande issue d’un animal sacrifié selon le rite musulman. Ce marché représente 3 milliards d’euros en hexagone. Dans le monde, il avoisine les 150 milliards de dollars, pour le grand bonheur des grands groupes agroalimentaires qui se sont déjà positionnés.

Aujourd'hui, des pays comme la Malaisie et l'Indonésie innovent dans le domaine du business halal et le modèle connait un grand succès dans plusieurs pays musulmans avec des centres commerciaux, supermarchés et des produits portant une marque de fabrique musulmane. C’est le cas du "coca musulman" (Zam-Zam ou Mecca Cola), du "jeans musulmans" (Al Quds), des produits pharmaceutiques, textiles ou cosmétiques qui correspondent aux goûts et préférences des musulmans.

Cependant on manque de données actuelles sur l’économie du business halal dans le monde mais il faut dire que c’est un nombre estimé de consommateurs musulmans répartis dans 112 pays pour un marché mondial des produits halal qui dépasserait les 150 milliards de dollars américains par an au début des années 2000 (estimation du ministère de l’Agriculture du Canada).

Par ailleurs la limite de ce model résiderait dans l’absence d’une standardisation par les acteurs du label halal au niveau du secteur de la distribution.

Finance non spéculative ou « halal »

« ô les croyants ! Craignez Allah et renoncez au reliquat de l’intérêt usuraire, si vous êtes croyants. Et si vous ne le faites pas, alors recevez l’annonce d’une guerre de la part d’Allah et de Son messager. Et si vous vous repentez, vous aurez vos capitaux. Vous ne léserez personne, et vous ne serez point lésés. » (Sourate 2 - Versets 278 – 279)

L’usure (riba) est prohibée, qu’elle qu’en soit la forme. Cette prohibition s’applique au débiteur comme au créancier ; que le bénéficiaire soit riche ou pauvre. L’un et l’autre commettent un péché, et ils sont tous les deux maudits. Le même sort est réservé à ceux qui les assistent à titre de témoins ou de secrétaires, en vertu de la portée générale des versets et des hadiths sûrs qui indiquent son interdiction.

Le Coran bannit l’usure, à laquelle il préfère le partage des profits et des pertes. Mais il condamne aussi toute forme d’incertitude - a fortiori la spéculation.

Pour le coran l’argent ne doit pas servir à fabriquer de l’argent... mais à faciliter le commerce et la production.

La finance islamique, conforme à la charia, est en plein essor dans le monde, grâce à l’afflux de pétro-dollars au Proche-Orient et à une demande croissante des investisseurs, musulmans ou non, affirment des experts. Ce secteur pèse aujourd’hui entre 300 et 500 milliards de dollars, selon les estimations, contre moins de 200 milliards il y a deux ans. Le nombre d’institutions proprement islamiques (banques de détail et fonds d’investissement) se compte par centaines et de plus en plus d’établissements occidentaux développent des services adaptés, comme la Deutsche Bank, UBS, Citigroup ou HSBC.

La finance islamique moderne, née dans les années 1960 en Egypte, puis 1970 à Dubaï, constituait pourtant, jusqu’en 2002, une niche de marché à la fois exotique et peu compétitive. Aujourd’hui après la crise des subprimes et les dérives de la finance conventionnel c’est un marché prometteur et plusieurs experts se sont penches sur la question de la finance et de l’assurance islamique comme alternative salvatrice au chevet de la finance spéculative à risque.

Cependant certains islamistes admettent toutefois que cette alternative n'est pas immédiatement opérationnelle. "Théoriquement, le système économique islamique offre un mécanisme complémentaire et solide (...), mais dans la pratique, l'expérience bancaire islamique n'est pas encore mûre, car elle offre des produits « limités » déclare un islamiste modéré spécialiste de la matière.

Contrairement a certaines idées reçues, le système financier islamique "pourrait bel et bien apporter de la « baracka » à certains problèmes bancaires, mais ne serait pas encore très compétitive au point de constituer une baguette magique" pour venir à bout de la débâcle financière qui secoue le monde.


Aboubacar Sadikh ndiaye


Paru dans le magazine Nouvel Horizon

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